Voltaire, une admiration critique de Rabelais 

Rabelais est partout. Dans tous les temps, dans tous les siècles. Après Milan Kundera au XXè siècle et Gustave Flaubert au XIXè siècle, remontons encore d’un temps pour trouver Voltaire et son XVIIIè siècle. On y découvre un Voltaire critique de Rabelais.

dans son extravagant et inintelligible livre, [Rabelais]a répandu une extrême gaieté et une plus grande impertinence

Voltaire & Rabelais : Je t’aime moi non plus 

De son temps, Rabelais a eu des amis et des ennemis. Par la suite aussi. Deux siècle après, Voltaire (1694-1778) fait partie de ceux-là, à la fois ennemi critique, et à la fois admirateur. « Voltaire est l’un des auteurs du xviiie siècle qui cite le plus Rabelais ; pourtant, il l’apprécie peu, le lit tardivement et ne s’en réclame jamais. » (voir Muscat)  Voltaire commence par être très critique. « Dans les Lettres philosophiques, Voltaire accentue nettement les attendus négatifs de l’appréciation de La Bruyère (ndlr : Rabelais est inexcusable d’avoir semé l’ordure dans les esprits) : l’œuvre de Rabelais est monstrueuse et ne mérite, à l’exception de quelques pages, que mépris. » (voir Tatin-Gourier ). » Selon lui, il faut être bien « bizarre » pour apprécier notre écrivain si déroutant.

Une relecture de Rabelais

Si Voltaire brandit parfois Rabelais comme étendard de l’anticléricalisme, et se plaît à citer cet auteur peu apprécié et encore subversif, il n’en témoigne pas moins tout au long de la période son mépris pour Rabelais sur le plan littéraire, et assimile la bouffonnerie à un archaïsme enfantin. (Voir Renlum)

[Rabelais] a prodigué l’érudition, les ordures, et l’ennui.

Néanmoins, vers 1759 Voltaire aurait effectué une relecture de Rabelais. Et même si la grivoiserie de l’écrivain chinonais le gêne toujours, il y voit, dans le fond, des idées intéressantes. Il parle de l’œuvre rabelaisienne comme étant « la peinture du monde la plus vive » (Voir Sareil)

Des livres indispensables

Au final, VOLTAIRE conserve Rabelais parmi les rares livres indispensables, mais décrassés de leurs vulgarités. De plus, le philosophe constate que le grand public est incapable d’atteindre la profondeur de l’œuvre.

Notre curé de Meudon, dans son extravagant et inintelligible livre, a répandu une extrême gaieté et une plus grande impertinence ; il a prodigué l’érudition, les ordures, et l’ennui. Un bon conte de deux pages est acheté par des volumes de sottises :  Il n’y a que quelques personnes de goût bizarre qui se piquent d’entendre et d’estimer tout cet ouvrage ; le reste de la nation rit des plaisanteries de Rabelais et méprise le livre. 

Voltaire, Lettres philosophiques, 1767

Son livre, à la vérité, est un ramas des plus impertinentes et des plus grossières ordures qu’un moine ivre puisse vomir ; mais aussi il faut avouer que c’est une satire sanglante du pape, de l’Eglise, et de tous les évènements de son temps. […] Mais qu’arriva-t-il ? Très peu de lecteurs ressemblèrent au chien qui suce la moelle. On ne s’attacha qu’aux os, c’est-à-dire aux bouffonneries absurdes, aux obscénités affreuses, dont le livre est plein.

Voltaire, Lettres à S. A. Mgr le Prince de *****
sur Rabelais et d’autres auteurs accusés d’avoir
mal parlé de la Religion chrétienne, 1768

Pour aller plus loin :